Communiqué de Presse FNE LR et ECCLA – Salsigne : quand est-ce qu’on arrête l’hypocrisie ?
La polémique suscitée par la découverte de taux d’arsenic élevés dans les urines de plusieurs dizaines d’enfants de la vallée de l’Orbiel rappelle à tous l’existence de ce scandale d’État soigneusement étouffé depuis des décennies. FNE LR et ECCLA tiennent à rappeler l’incurie de l’État en matière de gestion de l’après-mine et à condamner les dénégations par certaines institutions de la réalité vécue par les citoyens.
Un des pires sites pollués de France
Faut-il le rappeler, Salsigne a été la plus grande mine d’or de France, et la plus grande mine d’arsenic du monde ! Des déchets bourrés d’arsenic (et de quelques autres produits aussi peu sympathiques) sont encore là, mal stockés dans d’énormes buttes qui fuient, avec une installation de traitement des eaux qui laisse passer 10% de l’arsenic, soit plusieurs tonnes par an qui finissent dans la vallée de l’ORBIEL…
Non, cette pollution n’est pas naturelle
S’il y a naturellement de l’arsenic dans cette zone, les niveaux de pollution constatés n’ont rien de naturel comme tente de le faire croire l’ARS. L’arsenic intégré dans une roche massive n’est pas la même chose que l’arsenic présent dans des montagnes de déchets broyés. Essayez de faire un café avec des grains de café entiers ou moulus, et vous comprendrez la différence. La pollution très élevée du secteur est le résultat de l’exploitation industrielle de la mine pendant plusieurs siècles, aggravée dans les dernières années par une entreprise mafieuse qui a importé des déchets supplémentaires sur le site. Vouloir faire croire autre chose ici est profondément malhonnête et irresponsable.
Des décennies d’omerta et une population livrée à elle-même
L’omerta règne depuis longtemps sur les risques de cette exploitation, y compris pour les plus exposés : les salariés de la mine. Alors que les cas de cancers des poumons se développent de façon visible dès le début des années 70 chez les mineurs de Salsigne, il faudra attendre 1985 pour que « les cancers bronchiques primitifs provoqués par l’inhalation de poussières ou de vapeurs arsénicales » soient inscrits dans le tableau des maladies professionnelles.
Après les inondations catastrophiques d’octobre 2018, qui ont lessivé les sols miniers et charrié des tonnes de matériaux, le BRGM a rejoué le même scénario éculé, en osant affirmer en Commission Locale d’Information de la Vallée de l’Orbiel qu’il n’y avait pas eu de surpollution liée à ces inondations. C’était sans compter l’autonomie et la volonté de certains habitants, qui avec l’aide de chercheurs de l’université ont mis en évidence des pollutions fortes, jusque dans les cours d’école. Dans la foulée des parents ont payé les premières analyses de leurs enfants avec les résultats qu’on connaît. Compte tenu de la connaissance du risque depuis des années, on s’interroge sur l’absence de mesures de prévention dans cette situation exceptionnelle mais parfaitement prévisible…
La réponse de l’Agence Régionale de Santé n’est pas à la hauteur
Selon l’ARS, comme les mesures par les urines n’indiquent que des contaminations récentes, il faut refaire la mesure deux mois après pour savoir si le phénomène est chronique. L’ARS recommande bien dans ce laps de temps de prendre toutes les précautions pour éviter une exposition. Si la seconde mesure est négative, l’ARS pourra donc conclure qu’on peut vivre dans un territoire contaminé en prenant quotidiennement des précautions, comme à Tchernobyl ou à Fukushima. Et circulez… L’État, dépassé par l’ampleur de cet héritage empoisonné, ne sera pas contrarié dans son absence de volonté de résoudre le problème à la source, qui représente un coût. Ces attitudes de déresponsabilisation, de minimisation du problème, voire de culpabilisation des habitants, sont inadmissibles et à l’origine d’une perte de confiance profonde de la population dans les institutions. Il faut que ça s’arrête !
La surexposition à l’arsenic n’est pas une fatalité
Nous refusons l’idée qu’on puisse laisser des personnes dans des lieux connus pour être contaminés, où il est dangereux de manger les légumes de son jardin ou de laisser un enfant jouer sur le sol, en se satisfaisant simplement de recommandations de conduite à tenir au quotidien. Plusieurs associations ont écrit au préfet avec des propositions concrètes, dans une optique de dépollution très progressive du site avec l’installation d’une usine capable de reprendre les déchets, en priorisant les sites où de l’arsenic pur existe encore à l’air libre, et en installant une commission vraiment indépendante incluant scientifiques et population afin de restaurer un peu la confiance… La rentrée arrivant, les parents demandent également que leurs enfants puissent aller à l’école dans une zone hors pollution, et on les comprend.
Sur place, il existe des tentations fortes pour minimiser la pollution en expliquant que toute la zone n’est pas polluée. C’est encore une carence de l’Etat qui refuse depuis des années de faire une étude approfondie de la pollution pour déterminer, comme dans des plans de prévention des risques, les zones rouges gravement polluées, les zones oranges moyennement polluées et les zones vertes où on peut vivre tranquille.
Le cas de Salsigne nous alerte sur l’arnaque du concept de « mine propre » vendu par le lobby minier, qui n’est qu’un hochet pour bureaucrates parisiens. Une mine impacte gravement son territoire à long terme, c’est pourquoi il faut une législation spécifique pour obliger les pollueurs à payer, même a posteriori. A Salsigne comme ailleurs des entreprises ont fait leur beurre, et elles sont parties en laissant une source de pollution durable pour toute une région. Elles n’ont pas eu à assumer le coût environnemental parce que la loi ne l’exigeait pas. Or le code minier n’a toujours pas évolué ! Cette logique de privatisation des bénéfices et de socialisation de la dette environnementale est toujours à l’oeuvre. FNE avait fait des propositions pour une réforme sous la présidence Hollande mais celle-ci n’a jamais abouti… Aujourd’hui le ministère de l’économie travaille sur un nouveau projet main dans la main avec les exploitants miniers, et les associations environnementales ne sont pas invitées. De haut en bas c’est l’omerta et le business roi. Donc nous sommes solidaires avec les populations de l’Orbiel. Tenez bon !
Contacts presse :
Maryse ARDITI – 06 78 79 39 70 (association locale ECCLA)
Simon POPY – 06 12 96 73 63 (fédération régionale)
Olivier GOURBINOT 06 89 56 04 84 (pour la réforme du code minier)