Communiqué – Quand la justice rappelle aux irrigants de Céret que le Tech aussi a besoin d’eau
En raison du changement climatique, les territoires méditerranéens sont confrontés à des sécheresses plus longues et plus graves. C’est particulièrement le cas dans la vallée du Tech au sud du département des Pyrénées-Orientales. Là comme ailleurs, il va falloir partager l’eau entre les hommes, mais aussi avec la nature. C’est ce que vient de rappeler la cour administrative d’appel de Marseille au Préfet, à l’ASA du canal de Céret et à la chambre d’agriculture des Pyrénées-Orientales. Décryptage d’une tentative d’accaparement par un groupuscule d’une ressource de plus en plus rare.
Un minimum d’eau pour les rivières !
De tout temps, l’homme prélève de l’eau dans les rivières pour ses usages. Depuis longtemps, il est conscient qu’il ne doit pas les assécher si il veut pouvoir profiter des services essentiels qu’elles rendent : autoépuration des eaux, rechargement des nappes, maintien de la biodiversité, … C’est une question d’intérêt général et de bon sens ! Le législateur a donc prévu qu’il est interdit de prélever toute l’eau des rivières dans lesquelles il est obligatoire de maintenir un débit minimum « garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivants dans les eaux » dit : « débit minimum biologique ».
Évaluer la ressource pour mieux la partager
Le fleuve Tech s’écoule du Haut Vallespir jusqu’à la commune de Céret, puis dans la plaine du Roussillon jusqu’à la Méditerranée dans laquelle il se jette au Nord de la commune d’Argelès-sur-Mer. Confronté à des sécheresses récurrentes, le bassin versant du Tech est l’un des premiers en France à avoir fait l’objet d’une « étude de détermination des volumes prélevables ». Dans un territoire sous tension, il s’agit de la première étape obligatoire pour pouvoir opérer un partage équitable de l’eau. Réalisée entre 2009 et 2011 sous le pilotage des pouvoirs publics, cette étude a notamment permis de déterminer les « débits minimum biologiques ».
La préfecture abandonne le partage de l’eau sous la pression du lobby agricole
Les eaux du Tech sont dérivées par une quarantaine de canaux aménagés le long du fleuve. Certains servent à l’irrigation des terres agricoles comme le canal de Céret, Maureillas et Saint Jean Pla de Corts. Compte tenu de ses capacités de prélèvement(1), ce canal est susceptible d’assécher le fleuve pendant les mois les plus secs de l’année. En 2015, Mme Josiane CHEVALIER, Préfète des Pyrénées-Orientales, décidait d’imposer au canal de Céret le respect d’« un débit minimum biologique » limité à 260 l/s, là où l’étude volumes prélevables réalisée par ses services avait conclu que ce débit devait être au minimum égal à 650 l/s ! Cette décision de la représentante de l’État, réduisant de 2,5 fois les conclusions de l’étude menée par l’État lui-même, prise contre l’avis particulièrement argumenté des services compétents de la DREAL, avait manifestement pour seule justification de répondre aux « exigences » de la chambre d’agriculture des Pyrénées-Orientales et des irrigants locaux.
La préfecture, l’ASA du canal de Céret et la chambre d’agriculture recadrés par le juge administratif
En décembre 2017, sur demande de FNE, le Tribunal Administratif de Montpellier a rectifié l’arrêté préfectoral et imposé à l’exploitant du canal de Céret le maintien dans le Tech d’un débit minimum biologique égal à 650 l/s, conformément aux conclusions de l’étude volumes prélevables. L’ASA(2) du Canal de Céret, particulièrement soutenue par la Chambre d’Agriculture des Pyrénées-Orientales, a fait appel de la décision rendue par les juges de Montpellier. Mais par un arrêt particulièrement motivé du 6 mars 2020, la Cour administrative d’appel de Marseille a intégralement confirmé la décision des premiers juges, et condamné l’inapplication de la loi environnementale.
« A ceux qui prétendent que les canaux « favoriseraient la recharge des nappes phréatiques » et « abriteraient de la biodiversité », je rappelle que d’un point de vue écologique, la priorité est que les cours d’eau naturels ne soient pas asséchés. Que ce soient les écosystèmes ou les usagers, tout le monde va de toutes façons pâtir du manque d’eau du fait du changement climatique. C’est pourquoi il faut s’assurer d’un partage équitable de la ressource. Malheureusement, ce dossier témoigne une fois de plus de la faiblesse de certains préfets lorsqu’il s’agit de faire respecter l’intérêt général face aux pressions locales. Ceux qui, comme la chambre d’agriculture des Pyrénées-Orientales, ont pour stratégie l’accaparement de la ressource à leur seul profit, au détriment de l’environnement et donc des autres usagers, doivent être condamnés. L’ASA du canal de Céret, quant à elle, doit sérieusement améliorer sa gestion et mettre en œuvre les travaux d’entretien et de modernisation nécessaires pour réduire sa consommation d’eau. Alors, elle pourra à la fois respecter la rivière et fournir de l’eau à ses membres(3). Les ressources naturelles sont limitées ! Les comportements de prédation qui ont eu cours jusqu’à maintenant doivent cesser. L’évolution climatique impose d’accélérer les programmes d’économies d’eau, en particulier pour les agriculteurs gros consommateurs en période d’étiage estival et qui n’en paie pas la rareté. L’heure est aux changements dans les us et coutumes locales. Le préfet actuel, Philippe CHOPIN, doit faire cesser les pratiques illicites. »
Contact presse :
Olivier GOURBINOT, coordinateur fédéral de FNE LR : 06 89 56 04 84
(1) Il est autorisé à dériver jusqu’à 2 933 litres/seconde
(2) Association syndicale autorisée responsable de l’entretien et de l’exploitation du canal
(3) A titre d’exemple, en Languedoc-Roussillon, on peut citer le cas de l’ASA de GIGNAC (34) qui a mené une politique de modernisation de son système de distribution de l’eau de façon à en optimiser le rendement, notamment à travers la conversion du réseau de distribution gravitaire en réseau de conduites basse pression, qui a permis d’importantes économies d’eau.