Communiqué – Jardins de la Méditerranée : un projet illégal

Au sud-est de Béziers, sur le domaine de Bayssan, le Conseil Départemental de l’Hérault porte sur 30 ha de forêt et de garrigue un projet de parc d’attraction d’une autre époque dit « les Jardins de la Méditerranée ». FNE LR, qui constate que les procédures de participation du public et d’évaluation des impacts environnementaux ont été bafouées par le département, saisit le tribunal administratif en urgence pour faire stopper les travaux imminents.

Du béton et encore du béton

Sous l’appellation romantique de « jardins » se cachent plusieurs aménagements en dur dignes d’un parc d’attraction : un restaurant autour d’un patio, un pavillon des vins, un phare de plus de 30 m de haut, un aquarium, un dôme de réalité virtuelle, diverses allées, et bien sûr les sanitaires et divers locaux techniques qui permettront d’accueillir 300 000 visiteurs par an. Le tout sera inséré dans un ensemble d’aménagements paysagers qui artificialisera une des rares zones de forêt naturelle et de garrigue subsistant dans ce secteur déjà très artificialisé, avec notamment :

    • des « jardins du dessous » qui prendront place dans des « chambres » creusées en moyenne à 6 mètres de profondeur sur une surface d’environ 1ha – une de ces chambres accueillera une bambouseraie, consommatrice d’eau dans une zone particulièrement sèche et ventée ;
• un jardin du feu (!), qui a manifestement pour but de valoriser les espèces pyrophiles (et la pyromanie?) ;
• un jardin d’invasives (!), avec tous les risques que comporte ce genre d’entreprise… même pédagogique ;
• un labyrinthe de vigne, qui pose question étant donné que la vigne est sans feuilles une bonne partie de l’année, et soumise dans ce secteur aux traitements obligatoires contre la flavescence dorée ;

Plutôt que de valoriser la biodiversité très riche et très menacée déjà présente dans notre région, le Conseil Départemental fait le choix d’un projet « à l’ancienne », où la préoccupation écologique est clairement au second plan. Étant donnée la présence d’une mosaïque de milieux naturels intéressants et de nombreuses espèces protégées sur le site, ce projet va par ailleurs occasionner des atteintes importantes à la nature.

Une tentative de passage en force sans les autorisations nécessaires

Un projet de cette dimension nécessiterait selon FNE LR une étude d’impact, une demande d’autorisation environnementale comprenant une autorisation de défrichement et une dérogation pour la destruction d’espèces protégées. Et donc également une consultation du public à travers une enquête publique.

A ce jour le projet ne dispose que d’une déclaration loi sur l’eau, déposée le 18 mars 2020 en préfecture de l’Hérault, ayant donné lieu à un accord tacite (par défaut de réponse du préfet) le 24 août 2020. Au delà du respect du code de l’environnement, pour un projet d’une telle envergure, le silence préfectoral ne peut que surprendre.

Par conséquent, afin que la situation soit régularisée, nous déposons ce jour un recours au tribunal administratif de Montpellier demandant la suspension de cette déclaration loi sur l’eau censée permettre la réalisation des premiers travaux nécessaires au projet : les bassins de rétention de l’eau.

Un impact qui se cumule avec le projet de « Studios Occitanie-Méditerranée »

Le domaine de Bayssan, sur 200 ha de milieux naturels et agricoles, appartient pour 2/3 au département et 1/3 à la commune de Béziers. Le projet de Jardins de la Méditerranée n’est que la première partie d’un projet d’ensemble, qui doit se poursuivre avec l’attribution par le département et la commune de Béziers de 60 ha supplémentaires de terres agricoles, à un projet privé de parc d’attraction autour du cinéma : les Studios Occitanie-Méditerranée. Nous avons déjà dénoncé dans un communiqué du 2 novembre 2020 le dévoiement scandaleux de la concertation en cours sur ce projet.

Présentés tantôt comme un projet d’ensemble, tantôt comme indépendants, ces deux projets auront comme le souligne l’Autorité Environnementale un impact cumulé important en termes de consommation d’espace naturel et agricole (90 ha au total), en termes de consommation de la ressource en eau, de biodiversité, de paysage, mais aussi d’impacts en termes de trafic automobile…

Dans le cadre de la concertation il n’a pas été possible de débattre des impacts cumulés des deux projets, faute – entre autres – d’informations sur l’impact des Jardins de la Méditerranée.

La concertation sur le projet de studios se poursuit jusqu’au 14 novembre à minuit. Il est encore possible de contribuer sur le site https://www.registre-numerique.fr/projet-complexeIMC-domaineBayssan/deposer-son-observation

« Nous vivons un effondrement écologique planétaire et nous avons des procédures réglementaires qui précisément, visent à éviter, réduire, ou compenser les impacts environnementaux de nos aménagements car nous ne pouvons pas nous permettre de continuer à fonctionner comme il y a 30 ans. Si les collectivités territoriales ne montrent pas l’exemple, comment peuvent-elles être légitimes, par la suite, pour traiter de politiques environnementales ? Ce type de dérive du pouvoir doit être empêché, et c’est notre rôle d’intervenir lorsque nous en avons connaissance. Nous représentons une partie de la société civile, les associations de protection de la nature, et nous avons toute légitimité en tant que fédération agréée pour la protection de l’environnement – donc reconnue par l’État – pour demander des comptes devant les tribunaux lorsque l’État est manifestement défaillant. »

Simon Popy

président de France Nature Environnement Languedoc-Roussillon