Communiqué : La justice suspend les travaux du Département de l’Hérault relatifs aux Jardins de la Méditerranée
Une fois de plus, Kléber MESQUIDA piétine les règles de protection de l’environnement et de démocratie participative
Au sud-est de Béziers, sur le domaine de Bayssan, le Conseil Départemental de l’Hérault porte sur 30 ha de forêt et de garrigue un projet de parc à thème dit « les Jardins de la Méditerranée ». En novembre 2020, constatant l’absence d’étude d’impact et de procédure de participation du public, nous saisissions le juge des référés du tribunal administratif (TA) de Montpellier en urgence pour faire stopper les travaux. Le 30 novembre 2020 il rejetait notre référé, sans motivation. Doutant du bien-fondé juridique de cette décision, nous l’avons contestée en cassation. Le 25 mai 2022, le Conseil d’État nous a donné raison en annulant la décision du TA de Montpellier et en suspendant les travaux, que le département – comme à son habitude – avait choisi de lancer en toute illégalité, sans réaction du préfet de l’Hérault.
Un projet à l’ancienne
Pour rappel, sous l’appellation romantique de « jardins » se cachent plusieurs attractions en dur : un restaurant autour d’un patio, un pavillon des vins, un phare de plus de 30 m de haut, un aquarium, un dôme de réalité virtuelle, diverses allées, et bien sûr les sanitaires et divers locaux techniques qui permettront d’accueillir 300 000 visiteurs par an. Le tout serait inséré dans un ensemble d’aménagements paysagers qui artificialiserait une des rares zones de forêt naturelle et de garrigue subsistant dans ce secteur déjà très artificialisé, avec notamment :
• des « jardins du dessous » qui prendraient place dans des « chambres » creusées en moyenne à 6 mètres de profondeur sur une surface d’environ 1ha – une de ces chambres accueillerait une bambouseraie, consommatrice d’eau dans une zone particulièrement sèche et ventée ;
• un jardin du feu (!), qui aurait pour but de valoriser les espèces pyrophiles (et la pyromanie?) ;
• un jardin d’invasives (!), avec tous les risques que comporte ce genre d’entreprise… même pédagogique ;
• un labyrinthe de vigne, qui pose question étant donné que la vigne est sans feuilles une bonne partie de l’année, et soumise dans ce secteur aux traitements obligatoires contre la flavescence dorée ;
Plutôt que de valoriser la biodiversité très riche et très menacée déjà présente dans notre région, le Conseil Départemental fait le choix d’un projet « à l’ancienne », où la préoccupation écologique est au second plan malgré le vernis paysager. Étant donnée la présence d’une mosaïque de milieux naturels intéressants et de nombreuses espèces protégées, ce projet va occasionner des atteintes importantes sur ce site, déjà bien abîmé par la gestion du département au cours des 10 dernières années (voir dossier de presse ci-dessous).
Pour rappel, l’impact de ce projet se cumule avec le projet de « Studios Occitanie-Méditerranée » (parc d’attraction autour du cinéma), dont le département a fait la promotion conjointement.
Le passage en force
Un projet de cette dimension nécessitait une étude d’impact, une demande d’autorisation environnementale comprenant une autorisation de défrichement et une dérogation pour la destruction d’espèces protégées. Et donc également une consultation du public à travers une enquête publique.
Or le projet ne dispose que d’une déclaration loi sur l’eau, déposée le 18 mars 2020 en préfecture de l’Hérault, ayant donné lieu à un accord tacite (par défaut de réponse du préfet) le 24 août 2020. Au delà du respect du code de l’environnement, pour un projet d’une telle envergure, le silence préfectoral ne pouvait que surprendre.
Afin que la situation soit régularisée, nous déposions le 9 novembre 2020 un recours au tribunal administratif de Montpellier demandant la suspension de cette déclaration loi sur l’eau censée permettre la réalisation des premiers travaux nécessaires au projet.
Le 30 novembre 2020 le tribunal administratif rejetait notre référé, sans motivation juridique. Le 16 décembre 2020 nous déposions un pourvoi en cassation.
Malgré cette procédure, le département a choisi de lancer les travaux.
Le conseil d’État stoppe le projet
Le 25 mai 2022, le Conseil d’État nous a donné raison en annulant la décision du TA de Montpellier et en suspendant les travaux, en attendant le jugement au fond. Selon lui les travaux étaient manifestement soumis à étude d’impact et donc à enquête publique.
Lire l’arrêt du Conseil d’État du 25 mai
« Nous vivons un effondrement écologique planétaire et nous avons des procédures réglementaires qui précisément, visent à limiter les dégâts, et à développer la démocratie participative, car nous ne pouvons pas nous permettre de continuer à fonctionner comme il y a 30 ans. Nous constatons qu’à nouveau, le département de l’Hérault se comporte comme s’il était au dessus des lois environnementales. Ce type de dérive doit être empêché, et c’est notre rôle d’activer les procédures en vigueur lorsque l’État se montre défaillant. En l’occurrence, ici, il s’agit en plus de rappeler au tribunal administratif de Montpellier les fondamentaux du référé environnemental.
Il est très regrettable d’avoir à en arriver à de si longues et lourdes procédures, que ce soit pour la Garrigue de Bayssan, fortement dégradée depuis 2 ans suite au rejet du référé en 1ère instance, mais aussi pour les entreprises qui ont été entraînées dans un projet dont la fragilité juridique était évidente, et enfin, pour le contribuable, qui paye l’inconséquence environnementale du département de l’Hérault. Cette décision va contraindre les aménageurs du domaine de Bayssan à clarifier leurs intentions et à faire preuve d’un peu plus d’écoute vis-à-vis des alertes des associations de protection de la nature, ce dont je me félicite. »
DÉGRADATION DE LA GARRIGUE DE BAYSSAN ENTRE 2009 ET 2021
(dates exactes des campagnes de photographie aérienne : 28/05/2009 et 09/08/2021)