Communiqué : condamnation de 6 agriculteurs.rices de l’Aude pour non-respect des zones de non-traitement aquatiques
FNE OCMED, partie civile, rappelle que les normes environnementales protègent la santé humaine et celle des écosystèmes. Elles doivent faire l’objet de contrôles et de sanctions.
Rappel sur les ZNT aquatiques
Les Zones de Non-Traitement aquatiques sont une mesure de protection des milieux aquatiques et de la qualité de la ressource en eau qui contraint les utilisateurs de pesticides à respecter une distance minimale d’épandage vis-à-vis de tout élément du réseau hydrographique (cours d’eau, fossés…). La distance minimale est de 5 mètres mais peut être augmentée selon la dangerosité du produit.(1)
Des condamnations raisonnables
Le délibéré prononcé le 13 décembre 2024 reconnait coupables tous.tes les prévenu.e.s de non-respect des ZNT aquatiques, et les condamne :
- à des amendes avec sursis :
- 600€ (chacun) pour M. Christophe CAMUS, M. Sylvain GONZALEZ, M. Cyril ANTON, et Mme Jacqueline ROCAMORA épouse CAMUS ;
- 800€ (chacun) pour M. Arnaud SABATER et Mme Marie CATHALA.
- à verser à FNE OCMED, partie civile :
- au titre du préjudice moral : 500€ pour M. Christophe CAMUS, 1€ pour M. Sylvain GONZALEZ, 800€ pour Mme Jacqueline ROCAMORA épouse CAMUS, 1€ pour M. Cyril ANTON, 1000€ pour M. Arnaud SABATER, et 1500€ pour Mme Marie CATHALA ;
- au titre des frais de justice : 250€ chacun.e
Ces condamnations sont conformes aux demandes de FNE OCMED, en lien avec la gravité des pollutions occasionnées, et dans deux cas, liées à la mise en place de mesures concrètes qui permettront aux mis en cause de ne plus polluer les milieux aquatiques.
Les pesticides, une source de pollution majeure
En 40 ans, 5000 captages d’eau potable ont été abandonnés en France sur 33 000 pour cause de pollution aux pesticides. Le coût annuel du traitement des pesticides dans l’eau potable est estimé à 1 milliard d’euros. Malgré tout, en 2022, 11 millions de Français ont reçu au robinet une eau dépassant les seuils autorisés de pesticides (2).
Le département de l’Aude est particulièrement touché par la pollution aux pesticides dans ses cours d’eau (quasi totalité des eaux de surface nécessitant des mesures pour restaurer le bon état selon le SDAGE 2022-2027, carte 5D-A3 (3)), dans ses lagunes (35 substances retrouvées dans l’étang de Bages-Sigean, 15 à 28 pour l’étang de La Palme (4)) et dans ses eaux souterraines (10 captages prioritaires pollués par les pesticides) (3).
Des sanctions rares et faibles
Les syndicats agricoles liés à l’agroindustrie, largement aidés par les politiques au pouvoir ces dernières années, ont répandu l’idée selon laquelle le monde agricole croulerait sous les contrôles de police environnementale. La réalité est bien différente. Ainsi, selon le Pr Harold Levrel (2),
« Les normes sur le sujet sont à la fois insuffisantes au regard des pollutions aux pesticides, non respectées à l’échelle nationale, et les délits s’y rapportant ne génèrent pas de sanctions réelles. […] Des amendes ne sont finalement données que dans 6,7 % des cas »
Ainsi, les agriculteurs exploitent 50% de la surface du territoire, mais représentent moins de 1% des affaires pénales environnementales (5). Ces dernières représentent elles-mêmes seulement 0,5 à 1% de toutes les affaires pénales (6). La pression de contrôle est en effet très faible : alors qu’il y avait 40 000 gardes champêtres en France au 19ème siècle, il n’y a aujourd’hui que 250 agents OFB spécialistes de l’eau en France (1 pour 1000 km de rivière). La probabilité d’occurrence moyenne d’un contrôle par exploitation agricole en France est de 1 fois tous les 100 ans…
Un procès instrumentalisé politiquement
En temps normal, les agriculteurs pris en flagrant délit de non-respect des ZNT écopent d’une simple amende. Ici, les mis en cause ont refusé cette sanction modeste pour provoquer un procès. Ce procès a donné une tribune au Syndicat des Vignerons de l’Aude dans un contexte pré-électoral des chambres d’agriculture, au cours de laquelle il a pu réaffirmer ses positions pour un usage incontrôlé des pesticides, détériorant un peu plus l’image de l’agriculture de l’Aude.
En s’attaquant à la protection de l’environnement et de la santé des Français, le Syndicat des Vignerons de l’Aude se trompe de cible. Nos normes environnementales sont d’intérêt général, elles doivent être préservées, revendiquées comme un gage de qualité, et non être sacrifiées au nom du libéralisme économique. C’est ce dogme économique qui doit être remis en cause si l’on veut protéger les agriculteurs, notre santé et notre environnement.
(1) Voir le mini-guide de FNE OCMED sur la réglementation des pesticides
(3) SDAGE Rhône-Méditerranée 2022-2027
(4) OBSLAG – Volet Pesticides. Bilan 2017-2019 du suivi des lagunes méditerranéennes. Rapport final
(5) Léo Magnin, Rémi Rouméas et Robin Basier, Polices environnementales sous contraintes, Rue d’Ulm, Sciences durables, Paris, 2024