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FNE OCMED obtient la multiplication par deux du débit minimal de la Têt

Le 11 décembre 2025, la cour administrative d’appel de Toulouse a rehaussé les débits minimums biologiques à respecter à l’aval du barrage de Vinça sur la Têt. Les prises d’eau agricoles devront laisser à la rivière 1217 litres par seconde en lieu et place des 609 l/s décidés par le préfet en 2017.

Un combat pour améliorer l’état écologique de la Têt

La loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006 avait imposé aux préfets de rehausser les débits minimums biologiques* à l’aval des prises d’eau en rivière afin de garantir le bon état des eaux. Pour la Têt, l’étude « volumes prélevables » de 2012 avait préconisé un débit minimum situé entre 1500 et 2200 l/s en aval du barrage de Vinça.

Malgré cette étude, en 2017, la préfecture des Pyrénées-Orientales avait décidé que les prises d’eau agricoles à l’aval du barrage de Vinça devaient laisser à la Têt un débit de seulement 609 l/s.

En 2020 FNE OCMED avait demandé au préfet de rehausser ce débit minimal car il était manifestement contraire à la loi sur l’eau et à l’étude « volumes prélevables » réalisée par l’État lui-même. Cette demande était restée sans réponse ce qui a obligé FNE OCMED à saisir la juridiction administrative.

Fin 2022, en se fondant sur l’étude volumes prélevables, le tribunal administratif avait fixé le débit minimum biologique à maintenir à l’aval des principales prises d’eau agricoles à 1500 l/s. L’État ainsi que les associations syndicales autorisées et la commune de Perpignan qui exploitent ces prises d’eau avaient fait appel de cette décision.

Entre-temps, la Chambre d’agriculture et le Syndicat du bassin versant de la Têt ont confié au bureau d’études suisse Téléos le soin de réévaluer les débits nécessaires au bon fonctionnement de la rivière à l’aval du barrage de Vinça. Cette étude était financée en grande partie par l’agence de l’eau.

En se fondant sur cette nouvelle étude qui constitue l’élément de connaissance scientifique le plus récent, la cour administrative d’appel de Toulouse confirme l’obligation de rehausser le débit minimum biologique à l’aval de Vinça et fixe la valeur de 1217 l/s.

Cette décision qui multiplie par deux le débit à maintenir dans la Têt est conforme aux exigences de la loi. Elle va permettre d’améliorer la santé du fleuve alors que l’étude Téléos confirme que le débit de 600 l/s ne permettait pas d’atteindre le bon état écologique.

Comme le propose l’étude Téléos, afin d’améliorer la maîtrise de l’impact des prélèvements sur la rivière, il conviendra également de mettre en place de nouveaux outils permettant d’évaluer l’impact des baisses de débit sur la température de l’eau de la Têt, qui est un paramètre clé pour la vie aquatique.

Un débit compatible avec l’irrigation agricole

Nous ne contestons pas que l’agriculture du Roussillon a besoin d’eau. Dans un contexte de changement climatique particulièrement marqué dans le département, l’accès à l’eau est une question cruciale pour les exploitations agricoles.

Le bassin versant de la Têt est équipé des barrages des Bouillouses et de Vinça ainsi que d’un système complexe de canaux d’irrigation parfois très anciens qui offrent des possibilités d’irrigation importantes.

L’efficacité de ce système d’irrigation doit cependant être améliorée. L’optimisation de la gestion des barrages comme l’amélioration du fonctionnement des canaux sont des solutions à mettre en œuvre sans délai pour, à la fois, respecter le milieu naturel et sécuriser les capacités d’irrigation sur ce bassin versant. Cette analyse que nous portons depuis plusieurs années est également confirmée par l’étude Téléos**.

Il relève de la responsabilité de l’État comme de l’ensemble des acteurs publics et privés d’œuvrer à la mise en œuvre de ces solutions. La solution simpliste et irresponsable qui consiste à assécher la rivière pour garantir l’irrigation*** ne peut plus perdurer.

Cette nouvelle décision en appel confirme que les débits dérogatoires fixés par la préfecture à l’aval de Vinça n’étaient pas conformes à la loi. Ce n’est pas étonnant car le débit de 609 l/s n’était fondé sur aucune donnée scientifique. Le débit de 1217 l/s va permettre d’améliorer considérablement le fonctionnement des écosystèmes de la Têt, dont le bon état est d’intérêt général (qualité de l’eau, biodiversité…).

Néanmoins, je rappelle que la décision de première instance (débit minimum fixé à 1500 l/s) n’a jamais été appliquée. Depuis 2023, la préfecture a continué à déroger de façon continue à la décision du tribunal, y compris hors crise sécheresse, en maintenant à 600 l/s le débit minimum biologique à l’aval du barrage de Vinça. Je demande donc au nouveau préfet d’abroger cette dérogation sans délai car elle met en danger la Têt.

Notre fédération est parfaitement consciente des difficultés que rencontrent les exploitants agricoles touchés par le changement climatique. Nous souhaitons que des solutions soient construites collectivement pour les sécuriser, tout en respectant les milieux naturels. L’amélioration de l’efficacité des canaux constitue un chantier à mettre en œuvre en priorité. 

Ce dossier montre enfin, au delà du cas de la Têt, qu’il ne peut y avoir de dérogation légale au débit minimum biologique qui ne soit solidement étayée par une expertise scientifique.

Simon POPY

Président, FNE OCMED

Contacts presse :

 • Simon POPY, Président de FNE OcMed : 06.12.96.73.63
• Olivier GOURBINOT, Coordinateur fédéral : 06.89.56.04.84

* Pour en savoir plus sur la notion de débit minimum biologique voir notre mini-guide « Le débit des cours d’eau » et lire l’article L. 214-18 du code de l’environnement qui précise que le débit minimum biologique doit « garantir en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux ». 

** Téléos souligne la nécessité de :
• « Installer des vannes à ouverture automatique télécommandées, afin de garantir une coordination fiable et réactive lors des périodes de tours d’eau, et d’éviter les erreurs humaines ou les décalages temporels. »
• « Équiper les canaux de sondes de mesure de débit en temps réel, permettant de suivre les volumes prélevés à l’instantané, et non sous forme de moyennes journalières. Ce réseau de mesure devrait couvrir à la fois les prises d’eau et les points de restitution des canaux dans la Têt. Il constituerait la base d’un modèle hydrologique de gestion sectorisée, permettant de démontrer la nécessité des volumes prélevés en fonction des usages, des saisons et des secteurs. »
• « Réaménager les infrastructures de canalisation afin de réduire les pertes, de faciliter les prélèvements et d’optimiser la distribution, tout en intégrant la problématique de la recharge des nappes. À plus long terme, l’objectif est de mettre en place un réseau d’irrigation sous pression, comparable à un réseau d’eau potable, permettant un partage de la ressource en eau à la fois équitable et efficient. »

*** solution proposée par la président du syndicat mixte du bassin-versant de la Têt, Pierre Parrat, en 2023 : https://www.lindependant.fr/2023/04/03/pyrenees-orientales-secheresse-il-faut-limiter-voire-supprimer-les-debits-reserves-de-la-tet-11109343.php