Réponse de FNE LR à la concertation sur les futurs scénarios énergétiques 2050

Tout d’abord merci à RTE d’avoir engagé un travail d’une telle ampleur. Nous voici devant 8 scénarios qui ouvrent le champ des possibles. Constatons donc que l’avenir n’est pas écrit et qu’il est proposé deux grandes catégories de scénarios : ceux qui vont vers 100% d’énergies renouvelables et ceux qui vont vers de nouvelles installations nucléaires : de nouveaux EPR. Sans entrer dans des choix détaillés à l’intérieur de ces deux catégories, il faut choisir une première direction.

Pour FNE LR, il est urgent de renoncer à de nouveaux EPR.

Pourquoi ?

1) Le risque d’accident majeur

Il faut remarquer que dans tous ces scénarios, il n’y a jamais d’accident nucléaire. Après Three Miles Island, Tchernobyl et Fukushima, la France fait toujours comme si l’accident était impossible chez nous. Rappelons quelques éléments éclairants :

– Selon l’IRSN, depuis le début des réacteurs nucléaires, il y a eu un accident avec fusion du cœur pour 5000 années réacteurs. La France en est à quelques 2000 années réacteurs.

– L’accident d’AZF, le plus grave accident industriel depuis la fin de la guerre en France a fait autour de 30 morts, 2000 blessés et 2 milliards de dégâts matériels. 20 ans après, le site est à nouveau réutilisé pour d’autres usages. Un accident nucléaire se situe vers quelques centaines de milliards et rend les territoires impropres à la vie pour des siècles.

– Cette différence de prise en compte de l’accident est évidente dans la réglementation en comparant une usine SEVESO seuil haut et un réacteur, donc une INB. L’usine SEVESO est obligée d’imaginer tous les scénarios d’accidents possibles et de regarder quels sont les territoires impactés, lesquels sont cartographiés dans un PPRT. Aucun réacteur nucléaire n’a fait cet exercice car l’accident n’est pas envisageable même quand on découvre des malfaçons sur de nombreuses pièces.

Enfin, rappelons qu’après l’accident de Fukushima, le Japon a arrêté TOUTES ces centrales nucléaires. Que ferait la France dans une telle situation ? Voila pourquoi il nous parait impossible de faire vivre notre pays avec une telle épée de Damoclès au 22ème siècle.

2) Les déchets sans solution

La seconde raison tient aux déchets. Après 60 années de production nucléaire, cette industrie ne sait toujours pas traiter ces déchets, que ce soit les très hautes activités à vie longue (les plus dangereux) ou les très faibles activités à vie longue (les plus volumineux). Tous les lieux de stockage existant sont saturés, que ce soit La Hague, le CIRES, les piscines des réacteurs… sans compter qu’il reste des déchets nucléaires dispersés un peu partout sur les anciens sites miniers. Enfin, il existe aussi une quantité importante de « matières radioactives » qui sont pour la plupart des déchets qui ne disent pas leur nom.

– Pour faire face à cet engorgement des stockages, EDF envisage une nouvelle piscine pour stocker les nouveaux combustibles usés.

– Le démantèlement qui suit la fermeture des réacteurs va provoquer un afflux considérable de déchets très faiblement radioactifs et la « solution » qui se dessine est de tenter de traiter ces déchets pour diminuer le niveau de contamination et de les considérer ensuite comme des déchets normaux à entrer dans le circuit industriel. Si d’autres pays le font avec plus ou moins de succès (les industriels de la métallurgie ne sont pas enthousiastes à l’idée de travailler avec des métaux faiblement radioactifs), il faut rappeler qu’ils n’ont pas le nombre démesuré de réacteurs comme la France.

Ces dérapages nous indiquent clairement qu’il ne peut être question de laisser aux générations futures un environnement contaminé globalement sur tout le territoire.

3) La troisième raison est économique

EDF est très fortement endettée, autour de 42 Md€. Pour les années à venir, elle doit faire face à une charge de travaux considérable, évaluée par la Cour des Comptes aux alentours de 100Md€, liée : 

– d’une part à la 4ème révision décennale, qui est beaucoup plus lourde que les précédentes, vu qu’à la création, la durée de vie de la cuve était estimée autour de 40 ans, et que, en outre, il doit y avoir une enquête publique sur les travaux prévus,

– d’autre part, aux travaux de sécurité résultant de l’expérience de l’accident de Fukushima, lesquels sont loin d’être achevés,

– au démantèlement des premiers réacteurs en fin de vie.

Ces travaux sont évidemment prioritaires car l’électricité de ces vieux réacteurs, bien amortis, est moins chère que celle de nouveaux EPR, comme le montre le prix auquel EDF a négocié la vente de la future production électrique des réacteurs anglais (105€ garantis durant 35 ans).

Enfin, imaginer aujourd’hui de nouveaux EPR, alors que les prix ont été multiplié par 4, que le français, comme le finlandais, n’est toujours pas en service, et que les prix des futurs réacteurs anglais sont eux aussi en train de déraper serait économiquement déraisonnable.

4) Quatrième raison : seul contre tous

Au niveau mondial, l’époque marque un tournant important. En 20 ans, la part de la production électrique d’origine nucléaire dans le monde est passée de presque 18% à environ 10%. Pour produire de l’électricité sans accroître le réchauffement climatique, le choix est clairement entre le nucléaire et les énergies renouvelables.

Pour savoir si le nucléaire est en voie de décollage, il faut se tourner vers la Chine, seul pays qui construit assez massivement des réacteurs. En 2020, elle a produit 2 GW de nouveaux réacteurs contre 72 GW d’éoliennes, 48 GW de solaire et 13 GW d’hydraulique. Aux États-Unis, aucun nouveau réacteur n’a été construit depuis 1979.

Au niveau mondial, la réalité économique favorise fortement les énergies renouvelables dont les prix baissent régulièrement tandis que le prix de l’électricité nucléaire s’accroît tout aussi régulièrement.

Ainsi donc, à la fin de ce siècle, il restera quelques pays avec quelques réacteurs, signe d’une industrie en voie de disparition avec des risques réels sur la sécurité. Il vaudrait mieux que la France n’en soit pas.

Quelques autres avis sur certaines parties du document

 

 1) Relocalisation de l’industrie

FNE LR est plutôt d’accord pour relocaliser une partie de l’industrie qui a été délocalisée ces 20 dernières années, en commençant par des industries stratégiques comme la santé (la plupart des médicaments sont importés avec parfois des ruptures d’approvisionnement) ou encore l’informatique (les puces sont elles aussi massivement importées). Cette relocalisation peut se réfléchir au niveau français, mais aussi européen. Cette relocalisation peut s’avérer positive pour le climat si les éléments que la France importe sont produits dans des pays où les émissions de GES sont importantes, ce qui est souvent le cas. Il faut souligner que, depuis 2012, début du débat énergie, FNE plaide pour que l’empreinte climatique et pas seulement les émissions nationales soient prises en compte.

 2) Quels scénarios parmi les 100% renouvelables ?

Ces 3 scénarios tentent de pousser au bout dans 3 directions possibles :

– plutôt très décentralisé, bien répartis sur le territoire, avec de grandes fermes solaires au sol ;

– plutôt axé vers l’éolien dans les zones très ventées avec de grands parcs ;

– plutôt poussé à fond toutes les énergies renouvelables marines (pour la méditerranée, cela se limitera aux éoliennes flottantes).

Autant cette démarche est intéressante théoriquement pour faire émerger les limites, autant dans la réalité, il paraît indispensable d’avoir un mix des 3 car les impacts et les enjeux sont différents selon les énergies. Par exemple, les fermes solaires au sol consomment beaucoup plus d’espaces que l’éolien qui, en revanche, se voit de plus loin. De plus l’accumulation de projets sur un même site provoque assez rapidement un rejet. Pour FNE LR, pour commencer, il est indispensable d’encourager fortement les installations solaires sur bâti (grandes toitures, parking de supermarché), puis les zones fortement dégradées. Quand tout cela sera équipé, il sera temps de faire le point et de se tourner éventuellement vers des fermes au sol. La difficulté pour aller dans cette direction est que le solaire sur bâti coûte plus cher que les fermes au sol et qu’il n’y a pas d’avantage dans les appels d’offre pour ces projets plus respectueux de l’environnement.

Enfin une remarque directement liée au territoire Languedoc Roussillon : ce territoire est l’un des plus venté de France ; il a d’ailleurs été longtemps l’un des premiers départements en puissance installée ; mais c’est aussi l’un des plus riches pour la biodiversité, en particulier oiseaux. Donc l’arrivée de l’éolien off shore peut être une solution intéressante pour ce territoire.

Une dernière question plus générale : la limite de cet exercice

RTE gère le réseau d’électricité et donc ces scénarios sont centrés sur l’électricité, mais ceci reste un point faible, même si l’électricité est appelé à croître. D’autres vecteurs sont évoqués, mais seulement dans la mesure où ils interagissent avec l’électricité (hydrogène, power-to-gas…).

Négawatt, dans ses scénarios, évalue les besoins en énergie en 3 parties : besoins de chaleur (50%), besoins de mobilité (35%) et électricité spécifique (15%). Les besoins de chaleur sont donc les plus importants et il existe des possibilités de production de chaleur directement à partir d’énergies renouvelables : la biomasse, le solaire thermique et même la géothermie.

La France a pris la mauvaise habitude d’utiliser de l’électricité pour chauffer des logements à 20° quand le nucléaire était surdimensionné. Mais aujourd’hui, le raisonnement n’est plus à produire de façon surdimensionnée. Donc les besoins en chaleur pourraient être satisfaits directement par de la chaleur renouvelable. Ce serait d’autant plus intéressant que, à surface égale, la production de chaleur dans des panneaux thermiques est 3 à 4 fois celle des panneaux photovoltaïques. Il serait donc judicieux de penser à couvrir une partie des besoins résidentiels par du solaire thermique.