Gestion de l’eau : avis de FNE LR sur le projet de SDAGE 2022-2027
CONTEXTE
Le présent avis porte sur le projet de Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) 2022-2027 du bassin Rhône-Méditerranée.
Représentée par ses bénévoles au sein du comité de bassin Rhône-Méditerranée, France Nature Environnement Languedoc-Roussillon (FNE LR) a participé activement aux travaux du comité de bassin qui a adopté en première lecture le projet de SDAGE le 25 septembre 2020.
Aujourd’hui, ce projet de SDAGE est ouvert à la consultation du public jusqu’au 1er septembre et à la consultation institutionnelle jusqu’au 30 juin.
Pour la première fois, les fédérations de France Nature Environnement sont invitées à participer à cette consultation institutionnelle et nous nous en réjouissons.
Notre association va également contribuer à cette consultation institutionnelle au niveau local par l’intermédiaire des Commissions Locales de l’Eau dans lesquels elle siège, soit directement, soit par le biais de ses associations fédérées.
GÉNÉRALITÉS
L’objectif fixé par la DCE d’atteinte du bon état des eaux devait être atteint en 2015. Il ne l’a pas été.
En 2021, si 96 % des masses d’eau superficielles sont en bon état chimique, seul 48 % de ces masses d’eau sont en bon état écologique. Concernant les masses d’eau souterraines, 85 % des masses d’eau sont en bon état chimique et 88 % sont en bon état quantitatif.
A l’issue du SDAGE 2016-2021 on peut constater que l’état écologique des masses d’eau superficielle progresse très insuffisamment.
Pour 2027, dernière échéance fixée par la DCE, le gouvernement a fixé les objectifs suivants : – 66% des masses d’eau superficielles devront avoir atteint le bon état écologique, 93% des masses d’eau superficielles devront avoir atteint le bon état chimique, 99% des masses d’eau souterraines devront avoir atteint le bon état quantitatif, 85% pour leur bon état chimique.
Ces objectifs sont d’ores et déjà insuffisants par rapport aux exigences de la DCE (en particulier pour l’atteinte du bon état écologique des eaux de superficielles).
Le SDAGE 2022 2027 doit fixer un cadre ambitieux qui permettra d’atteindre voire de dépasser les objectifs fixés par le gouvernement. Il doit en toute hypothèse garantir le respect du principe de non dégradation des masses d’eau.
REMARQUES GÉNÉRALES SUR LES ENJEUX MER ET LITTORAL
Les questions du littoral sont transversales dans le SDAGE et concernent donc un grand nombre de dispositions relatives : aux conséquences du phénomène de salinisation, aux enjeux économiques et sociaux liés à la ressource en eau, à la cohérence entre aménagement du territoire et gestion de l’eau, à la lutte contre les pollutions et l’eutrophisation, à la préservation et la restauration des continuités écologiques, ainsi qu’au bon fonctionnement des milieux littoraux (des petits fonds côtiers à l’arrière dune), à la maîtrise de l’artificialisation, à la réduction des risques inondation/submersion en restaurant le fonctionnement naturel, à l’identification des territoires vulnérables, à la gestion de l’érosion littorale.
En ce qui concerne le littoral, le SDAGE s’assure d’être cohérent avec les objectifs environnementaux définis par le Plan d’Actions pour le Milieu Marin (PAMM) sur la frange littorale, et il se réfère à la Stratégie Nationale de Gestion Intégrée du Trait de Côte (SNGITC) concernant les principes de gestion du trait de côte. Il n’apporte pas vraiment de grande plus-value si ce n’est le souci d’intégration de tous ces enjeux au travers de sa propre politique. En ce qui concerne la mer, ce n’est pas le sujet principal du SDAGE mais du PAMM et donc du Document Stratégique de Façade (DSF).
La dichotomie du grand cycle de l’eau en deux entités, l’une continentale, l’autre maritime, avec des documents de gestion différents et des instances de décision différentes, paraît un peu artificielle. Il est donc crucial que ces documents s’articulent les uns avec les autres et que le travail du Comité de Bassin soit effectué en collaboration étroite avec le Conseil Maritime de Façade.
AVIS SUR LES ORIENTATIONS FONDAMENTALES
Suivant la structure du SDAGE, nous avons ensuite donné notre avis sur les orientations fondamentales suivantes :
OF4 – relative à la gouvernance locale de l’eau
OF5 – relative à la lutte contre les pollutions
OF6 – relative à la préservation et la restauration des milieux aquatiques
OF7 – relative à l’équilibre quantitatif et au partage de la ressource
OF8 – relative au risque inondation
Vous pouvez retrouver notre avis dans son intégralité ici.
CONCLUSION
On notera la difficulté que représente l’appropriation de ce dossier de plus de 1500 pages, particulièrement technique, et qui mériterait à la fois pour son appropriation, et pour plus d’efficacité dans sa mise en œuvre, d’être beaucoup plus court et opérationnel.
Globalement nous partageons les diagnostics établis par le SDAGE. FNE LR considère que les enjeux qui ont été renforcés répondent bien à l’évolution du contexte en particulier la tension sur la ressource et la non atteinte du bon état écologique.
Nous partageons également largement les objectifs du SDAGE, même si on peut regretter qu’ils soient réduits et retardés par rapport à ceux de la DCE.
Le retour d’expérience des deux précédents SDAGE montre que l’ambition doit être revue sérieusement à la hausse pour atteindre les objectifs de la DCE d’ici à 2027, en particulier sur le volet réglementaire, parent pauvre du SDAGE. Les 12 dernières années ont largement démontré que le tout incitatif n’est pas suffisant, en particulier pour atteindre le bon état écologique des masses d’eau. La jurisprudence du Conseil d’État de 2018 est par ailleurs venue rebattre les cartes et a mis en évidence l’absolue nécessité de renforcer la valeur réglementaire des SAGE, à défaut d’opposabilité des règles suggérées par le SDAGE.
C’est à ce défi qu’a tenté de répondre le comité de bassin avec ce nouveau document soumis à consultation. Nous soutenons totalement la volonté de rééquilibrer l’utilisation des SAGE, qui jusqu’ici n’ont utilisé leur capacité de définir un règlement que de manière anecdotique (voire pas du tout). Il était indispensable que le SDAGE impulse une réelle utilisation des règlements des SAGE, même si la rédaction des règles reste du ressort des CLE, respectant ainsi la gouvernance partagée par les différentes échelles.
Néanmoins, le SDAGE mériterait d’être bien plus clair sur les dispositions qui appellent ou sont susceptibles d’appeler des règles dans un SAGE, compte tenu du champ fixé à l’article R 212-47 du Code de l’Environnement.
Nous regrettons évidemment que les moyens affectés par l’État et par les collectivités locales à la gestion collective de l’eau à l’échelle des bassins et sous-bassins versants ne soient pas à la hauteur des enjeux, mais l’affectation de ces moyens n’est du ressort ni du SDAGE, ni du Comité de Bassin. Comparé aux objectifs de la DCE, les SDAGE successifs ont fait preuve d’une grande souplesse en fonction du contexte, socio-économique, et politique. Mais nous considérons que ce ne sont pas les montants des lignes budgétaires allouées à la gestion de l’eau et des milieux aquatiques qui doivent contraindre les ambitions du SDAGE, mais bien les enjeux réels de l’eau. Le SDAGE doit fixer un cap raisonnable à la mesure de l’urgence climatique et écologique. Nous estimons que c’est ce qu’il fait et donc nous soutenons ce projet de SDAGE.