Communiqué: Paillotes illégales dans l’Hérault: réaction aux conclusions de la mission d’inspection

Le 18 avril dernier, l’ancien premier ministre Jean Castex confiait au préfet Thierry Leleu et à Philippe Schmit, inspecteur général de l’administration du développement durable, la conduite d’une mission d’inspection sur les paillotes dans l’Hérault. Objectif : « proposer des scénarii de transition apaisée ». Cette mission s’est terminée le 30 septembre 2022 et à notre demande, le rapport nous a été communiqué [à télécharger ici]. Nous revenons sur les conclusions de ce rapport instructif et rappelons l’importance de respecter la loi Littoral dans la totalité des « espaces remarquables et caractéristiques du littoral » (ERCL).

UNE MISSION EN RÉPONSE À LA RÉTICENCE DES COLLECTIVITÉS À APPLIQUER LA LOI LITTORAL

Depuis des années, des paillotes s’installent chaque été sur nos plages au sein d’espaces protégés, bénéficiant de concessions d’occupation octroyées par l’Etat (1) et les municipalités, mais qui ne respectent pas la loi Littoral de 1986 (2).

Visant la régularisation de plusieurs paillotes illégales, les communes de La Grande Motte et de Mauguio-Carnon avaient déclassé dans les documents d’urbanisme locaux une partie de leurs ERCL. Suite aux recours de deux associations locales, l’AGME34 et de l’ARAGT, ces modifications ont été annulées par le Tribunal administratif de Montpellier, le 30 septembre 2021 (3), et le 13 juillet 2022(4), confirmant l’illégalité des installations sur les plages concernées.

Dans ce contexte, qui a rappelé la situation d’illégalité d’un bon nombre d’autres concessions de plage sur le littoral héraultais, l’objectif de cette mission était de « rechercher une « transition apaisée » entre la situation actuelle et celle qui devrait être la règle aux termes de la loi Littoral ».

UN RAPPORT QUI SOULIGNE LES MANQUEMENTS À LA LOI LITTORAL DANS L’HÉRAULT

A l’issue de ses observations et de ses entretiens avec les acteurs (associations environnementales, experts, élus des collectivités, concessionnaires de plages…), la mission conclut notamment au besoin de mieux prendre en compte l’impact (5) important des paillotes sur les milieux sensibles et rares que constituent les plages naturelles et lidos, ainsi qu’au besoin d’intégrer l’augmentation de l’érosion (6) des plages dans les réflexions d’aménagement.

Ce document mentionne également que les professionnels et élus concernés ont du mal à concevoir une évolution de leurs pratiques vers un tourisme plus durable (qui impliquerait de respecter la loi Littoral), alors que nos voisins de Provence et des côtes catalanes espagnoles pratiquent déjà le regroupement des paillotes sur les plages urbaines (7).

Mais surtout, il fait un rappel de la loi et de la jurisprudence, ainsi qu’une analyse détaillée des 81 concessions potentiellement litigieuses (paillotes ayant une activité de restauration et/ou de buvette). Celle-ci confirme que 33 concessions illégales installées dans des ERCL doivent être supprimées, dont 17 pourraient être déplacées vers des plages urbaines. Seules 7 concessions ne posent aucun problème selon la mission.

UNE TENTATIVE DE STATU QUO DISCUTABLE POUR 41 LOTS

La mission envisage cependant la possibilité de nouveaux régimes d’exception :

– pour 18 concessions sur les communes de Agde, Sète et Vendres, via la mise en place d’une procédure acrobatique de régularisation (les schémas d’aménagement de plages) qui ne peut s’appliquer a priori qu’à des concessions existant avant la loi Littoral (1986). De telles dérogations nous semblent difficilement justifiables (8).

– pour 23 concessions, via la réalisation d’une étude d’impact qui est jugée nécessaire car il existe un doute, selon elle, sur la justification de la situation en ERCL. Si la mission se permet de s’avancer sur les conclusions des études, plausiblement favorables au maintien de 18 concessions, il nous paraît pour notre part prématuré d’anticiper ainsi le déclassement d’espaces protégés.

Ce rapport nous satisfait en grande partie car il confirme notre lecture de la réglementation et pointe clairement les incohérences des défenseurs des paillotes illégales. Certaines propositions sont pleinement satisfaisantes car elles s’inscrivent dans un respect strict de la loi. Encore faudra-t-il qu’elles soient suivies, nous y veillerons. En revanche, pour d’autres cas, nous serons attentifs à ce que ce rapport ne débouche pas sur une application de la loi Littoral « à la carte » ou complaisante, afin que l’intégralité des espaces remarquables du littoral soit protégée, à la fois de l’artificialisation et de la privatisation. Il est temps que le littoral héraultais soit plus exemplaire dans le respect de la loi Littoral, ce souhait pouvant s’appliquer également à l’ensemble des côtes de la région Occitanie (notamment Aude et Pyrénées- Orientales). Le grignotage des espaces naturels littoraux doit cesser.

Simon POPY

Président, FNE LR

(1) « Les paillotes se sont ainsi installées en toute illégalité dans les années 1995/2005 ; L’État ne s’y est pas opposé (et perçoit toujours redevances et impôts) et les municipalités se font « rémunérer … », page 7, Rapport d’inspection paillotes dans l’Hérault

(2) Plus d’informations dans notre communiqué du 5 octobre dernier

(3) http://montpellier.tribunal-administratif.fr/A-savoir/La-Lettre-de-jurisprudence/Communique-de-presse-Aff.-N-1906946-Jugement-du-30-septembre-2021

(4) https://fne-ocmed.fr/wp-content/uploads/2022/10/Jugement-paillote-13-Juillet-2022.pdf

(5) « la sensibilité des milieux justifie que toute implantation, même temporaire, fasse l’objet d’une évaluation environnementale » page 38, Rapport d’inspection paillotes dans l’Hérault

(6) « le phénomène d’évolution accéléré du trait de côte doit être pris en compte (…] dans le cadre des attributions de concession » page 39 et « où la sur- fréquentation touristique provoque à elle seule, un recul du trait de côte de 1,5m/an », page 15, Rapport d’inspection paillotes dans l’Hérault

(7) « Ces exploitants sont dubitatifs sur l’idée de se regrouper sur des plages urbaines, à l’instar de ce qui se fait en Provence » et « [la mission] a aussi vérifié le risque de concurrence avec les plages catalanes : […] la côte qui va de la frontière française à Barcelone est plus respectueuse des espaces littoraux et refuse l’implantation de « paillotes » dans les espaces à dominante naturelle», page 39, Rapport d’inspection paillotes dans l’Hérault

(8) 37 ans après la loi Littoral, il nous semble difficile de se prévaloir d’une situation antérieure à 1986 alors que le littoral a été grandement bouleversé : érosion, fréquentation, …