Position de FNE LR

Étienne Guyot, préfet de la région Occitanie, a lancé une concertation territoriale afin de réinterroger les orientations stratégiques du canal du Rhône à Sète. Il a chargé le préfet François Lalanne d’animer cette concertation, jusqu’à fin novembre 2020.

Deux inspecteurs généraux du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), Marie Deketelaere-Hanna et Marc Sandrin, avaient été missionnés par Madame la Ministre de la Transition énergétique, pour établir un rapport « Canal du Rhône à Sète, quel devenir ? ».

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Malgré le discours sur l’inclusion du monde associatif dans cette concertation, force est de constater que notre fédération régionale agréée pour la protection de l’environnement, directement concernée par ce projet de par son territoire d’action couvrant les départements du Gard et de l’Hérault, n’a pas été informée ni conviée.

Une consultation du public a été mise en oeuvre en parallèle de réunions et ateliers via la plateforme https://monterritoireendebat.fr/consultation/le-canal-du-rhone-a-sete-et-son-devenir/presentation/presentation

Forte de ses réseaux eau et mer, FNE LR a adressé spontanément une contribution écrite au préfet de région.
Elle est reproduite ci-dessous.

1) Qui sommes-nous ?

FNE LANGUEDOC-ROUSSILLON est la fédération régionale d’associations des associations de protection de la nature et de l’environnement couvrant les départements de l’Hérault, du Gard, de l’Aude, des Pyrénées-Orientales et de la Lozère. Elle est agréée pour la protection de l’environnement au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement à l’échelle régionale.

Elle a pour objet la protection de la nature, de l’environnement, du cadre de vie, la lutte contre le dérèglement climatique et les catastrophes naturelles, le respect de la santé publique. Elle agit dans la perspective humaniste d’une société supportable et désirable. Elle vise entre autres à conserver et restaurer les espaces, ressources, milieux et habitats naturels, les espèces animales et végétales, la biodiversité et les équilibres fondamentaux de la biosphère, l’eau, l’air, le sol, les sites et paysages, les services et fonctions écologiques et les valeurs d’usage qu’ils fournissent, la protection du patrimoine bâti au plan architectural, culturel ou historique, la sauvegarde du domaine public naturel, des chemins ruraux et des itinéraires de randonnée, la lutte contre les pollutions, nuisances et déchets, la réalisation d’un aménagement soutenable du territoire et d’un urbanisme économes, harmonieux et équilibrés, la limitation des déplacements inutiles, la diffusion et le développement d’une information environnementale et sanitaire, vraie et loyale, ainsi que l’application des engagements environnementaux des entités publiques ou privées pris au titre de leur responsabilité sociétale, la lutte contre les pratiques de verdissement d’image, le développement d’une conscience écologique, populaire et citoyenne, la transparence et la diffusion de l’information, par la participation et la représentation de la société civile, l’intégration des préoccupations environnementales à l’occasion de l’adoption de décisions financières et de contrats administratifs et de la gestion des propriétés des personnes publiques, la lutte contre les règlements, décisions et contrats financiers portant atteinte aux intérêts environnementaux susmentionnés.

D’une manière générale, son objet est également d’agir pour la sauvegarde de ses intérêts dans le domaine de l’environnement, ainsi que pour la défense en justice de l’ensemble de ses membres, y compris la défense de tous leurs intérêts notamment ceux résultant de l’objet de chaque association fédérée ou définis par l’agrément délivré au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement et des droits et obligations relatifs à l’agrément d’association agréée de protection de l’environnement au titre des articles L. 141-1 et L. 141-3 du code de l’environnement.

Elle représente actuellement 53 associations, représentant environ 4500 personnes affiliées. Elle porte leur voix dans le dialogue environnemental, et lorsque c’est nécessaire, saisit les tribunaux pour garantir le respect des lois environnementales.

2) Qualité de la concertation territoriale

La pédagogie développée pour présenter le projet, avec notamment le résumé vidéo, a été appréciée.
La prolongation de la consultation était également bienvenue et nécessaire car nous n’avons pas été informés directement du démarrage de la consultation.
En revanche, la forme imposée des contributions sous forme de réponses à un questionnaire individuel n’est pas adaptée pour une structure tête de réseau comme France Nature Environnement Languedoc-Roussillon.
Nous avons demandé via le formulaire de contact comment contribuer, sans jamais recevoir de réponse.
Nous avons donc adressé cette contribution à M. le préfet de Région.
Il est fort regrettable qu’aucune alternative au questionnaire n’ait été prévue sur le portail monterritoireendebat, et que la fédération régionale des associations de protection de la nature et de l’environnement, directement concernée par le projet, et agréée pour la protection de l’environnement, n’ait pas été directement consultée.

3) Nos observations

a. le développement du FRET par péniche sur ce canal n’est pas une justification suffisante pour des travaux importants

Les fonctionnalités historiques et logistiques qui ont conduit à la réalisation du Canal du Rhône à Sète et à son raccordement au canal du Midi (Sète – Toulouse) et au Canal latéral à la Garonne (Toulouse -Bordeaux), étaient de permettre une mise en relation des façades méditerranéenne et atlantique. Elles sont maintenant obsolètes.

En effet les échanges commerciaux et le fret maritime des ports de la Méditerranée sont maintenant majoritairement intra-méditerranéens et le contournement de la péninsule ibérique via le détroit de Gibraltar ne pose plus de difficultés aux bateaux modernes (porte-conteneurs et vraquiers).

En outre les infrastructures autoroutières et ferroviaires se sont très largement développées retirant beaucoup de l’intérêt de ce canal pour le transport des marchandises par péniche. France Nature Environnement Languedoc-Roussillon milite par ailleurs pour que le doublet de ligne ferroviaire reliant la vallée du Rhône à l’Espagne (Contournement Nîmes-Montpellier et Ligne Nouvelle Montpellier-Perpignan) soit adapté au FRET de bout en bout et pour que soit abandonné le tracé F actuellement envisagé pour le FRET, empruntant la ligne des étangs dans l’Aude, très vulnérable à la hausse du niveau marin.

FNE LR pense qu’entreprendre des travaux lourds et coûteux, très impactant dans des milieux fragiles, pour hypothétiquement relancer le trafic de FRET par péniches, de façon nécessairement temporaire compte tenu de la hausse du niveau de la mer, serait très peu pertinent.

FNE LR reste favorable au FRET fluvial, mais dans ce contexte précis, le bilan coûts/avantages du projet nous amène à conclure que l’objectif FRET du canal doit être abandonné.

b. de forts impacts potentiels

L’élévation/stabilisation des berges du canal par enrochement ou par des palplanches associées au curage de l’actuel canal pour en accroitre le tirant d’eau sera probablement source de remises en circulation de dépôts polluants. Ceux-ci ne peuvent que contribuer à aggraver encore la perturbation du fonctionnement des écosystèmes traversés.

A cela s’ajoute le devenir des sédiments après dragage, qui pose aussi des questions écologiques (clapage en mer?).

Les écosystèmes du littoral languedocien sont remarquables et patrimoniaux à l’échelle internationale, mais ils souffrent en grande partie de leur trop important confinement. La création de canal a été un élément central de la perturbation de leur fonctionnement hydro-sédimentaire. Une partie de ce fonctionnement a été retrouvé du fait de la dégradation du canal. Le retour en arrière, sur le plan écologique, occasionné par des travaux de réparation des digues du canal, doit être sérieusement évalué.

Compte-tenu des enjeux naturels présents, les travaux qui vont être entrepris doivent être minimalistes.

c. une prolongation temporaire de la fonction touristique semble possible

Nous reconnaissons que cette infrastructure, qui a perdu ses fonctionnalités originelles, peut être une porte d’entrée intéressante pour découvrir au fil de l’eau des milieux naturels d’une très grande richesse.

Le développement temporaire (à l’échelle de quelques décennies) des activités de loisirs sur l’eau (nautisme) et à terre (parcours pédestres et voies cyclables) peut être une stratégie pour réaliser à moindre coût une préservation de ce canal hérité d’une longue histoire, en lien avec des actions de sensibilisation et d’éducation à la biodiversité hébergée par ces habitats.

L’écotourisme via la location de bateaux à propulsion électrique, la promotion et la valorisation des productions lagunaires à proximité immédiate ou sur le canal seraient de nature à diversifier l’offre touristique à l’échelle régionale. Néanmoins, il importe d’exercer un contrôle quantitatif et qualitatif sur le développement de ces activités. De fortes améliorations sont attendues en ce qui concerne la gestion des eaux noires et grises des bateaux qui transitent sur le canal.

En outre, les infrastructures nouvelles (hébergement, mouillage) nécessaires à l’accueil seront nécessairement très contraints par les réglementations environnementales en vigueur, du fait des enjeux présents, et de l’objectif d’aller vers zéro artificialisation nette. Si de nouveaux aménagements sont envisagés, ils devront rester minimalistes, réversibles, et adaptées à cet environnement bien particulier.

Pour FNELR une prolongation de la fonction touristique est possible à condition qu’elle soit peu impactante.

d. la nécessité de désartificialiser le littoral et de restaurer le fonctionnement naturel des écosystèmes littoraux et humides

Notre littoral va considérablement évoluer d’ici la fin du siècle, du fait du changement climatique et de la hausse du niveau marin. Face à ces changements inéluctables, le canal du Rhône à Sète constitue un obstacle à la résilience des écosystèmes littoraux.

Pour faciliter leur adaptation, les incidences hydro-sédimentaires fortes du canal sur l’ensemble des zones humides du littoral doivent être estompées progressivement au fil du temps en anticipant un retour de ces milieux à leur dynamique naturelle.

Dans le contexte des changements climatiques globaux, il est souhaitable que ces espaces lagunaires constituent des zones tampons qui, d’un point de vue écologique, retrouveront par l’ouverture naturelle des lidos – en lien avec l’augmentation des niveaux marins et les processus érosifs de recul du trait de côte – progressivement toutes leurs fonctions d’interface mouvante entre la mer et la terre. En particulier, les communautés de poissons, dont le cycle biologique est caractérisé par des migrations (gamique i.e. liée à la reproduction, ontogénique i.e. liée au déplacement des individus au cours de leur développement, et trophique i.e. liée au comportement alimentaire) entre les domaines maritime et lagunaire (daurade, sole, loup, anguille, sole, muge …), seront directement bénéficiaires de ce contexte d’une plus grande connectivité mer/lagune et cela tout en accroissant le potentiel halieutique des zones littorales et intra-lagunaires.

Les travaux envisagés doivent se projeter dans ce contexte nouveau et plutôt que figer ou aggraver une situation inadaptée, ils doivent anticiper ces changements dans une logique de recomposition spatiale. A long terme, les obstacles aux dynamiques naturelles tels que ce canal devront être démantelés. Si des travaux modestes peuvent permettre une prolongation de l’utilisation du canal dans un but touristique, rien ne saurait justifier aujourd’hui, économiquement ou écologiquement, l’entreprise de gros travaux de modernisation.

4) Conclusion

La position de notre fédération régionale est que les travaux à réaliser sur le canal doivent rester minimalistes. Notre fédération s’opposera à des travaux de grande ampleur mettant en péril l’état des milieux très patrimoniaux qui sont traversés.

Le scénario 5 est donc privilégié par FNE Languedoc-Roussillon.

 

Simon Popy

Président de FNE OCMED